« Léandre, l'amoureux de Lucinde, révèle à Sganarelle que Lucinde fait semblant d'être muette, afin d'échapper à un mariage forcé. Sganarelle décide d'aider les jeunes amoureux et trouve un stratagème pour qu'ils puissent se voir. Il demande à Léandre de se déguiser en apothicaire, c'est-à-dire en pharmacien, et tous deux se rendent chez Lucinde pour l'examiner. Celle-ci se met tout à coup à parler. »

Géronte. – Voilà ma fille qui parle ! Ô grande vertu1 du remède ! Ô admirable médecin ! Que je vous suis obligé2, Monsieur, de cette guérison merveilleuse ! et que puis-je faire pour vous après un tel service ?

Sganarelle, se promenant sur le théâtre et s'essuyant le front. – Voilà une maladie qui m'a bien donné de la peine !

Lucinde. – Oui, mon père, j'ai recouvré la parole : mais je l'ai recouvrée pour vous dire que je n'aurai jamais d'autre époux que Léandre, et que c'est inutilement que vous voulez me donner Horace.

Géronte. – Mais...

Lucinde. – Rien n'est capable d'ébranler la résolution que j'ai prise.

Géronte. – Quoi... ?

Lucinde. – Vous m'opposerez en vain4 de belles raisons.

Géronte. – Si...

Lucinde. – Tous vos discours ne serviront de rien.

Géronte. – Je...

Lucinde. – C'est une chose où je suis déterminée.

Géronte. – Mais...

Lucinde. – Il n'est puissance paternelle qui me puisse obliger à me marier malgré moi.

Géronte. – J'ai...

Lucinde. – Vous avez beau faire tous vos efforts.

Géronte. – Il...

Lucinde. – Mon cœur ne saurait se soumettre à cette tyrannie.

Géronte. – La...

Lucinde. – Et je me jetterai plutôt dans un couvent5 que d'épouser un homme que je n'aime point.

Géronte. – Mais...

Lucinde, parlant d'un ton de voix à étourdir. – Non. En aucune façon. Point d'affaires. Vous perdez le temps. Je n'en ferai rien. Cela est résolu.

Géronte. – Ah ! quelle impétuosité6 de paroles ! Il n'y a pas moyen d'y résister. Monsieur, je vous prie de la faire redevenir muette.

Sganarelle. – C'est une chose qui m'est impossible. Tout ce que je puis faire pour votre service est de vous rendre sourd, si vous voulez.

[Géronte remercie Sganarelle, qui lui propose alors de guérir Lucinde de sa « folie ».]

Sganarelle.- Notre apothicaire nous servira pour cette cure. (À Léandre) Un mot. Vous voyez que l'ardeur qu'elle a pour ce Léandre est tout à fait contraire aux volontés du père [...] et qu'il est nécessaire de trouver promptement un remède à ce mal, qui pourrait empirer par le retardement. Pour moi, je n'y en vois qu'un seul, qui est une prise de fuite purgative, que vous mêlerez comme il faut avec deux drachmes de matrimonium en pilules. Peut-être fera-t-elle quelque difficulté à prendre ce remède : mais comme vous êtes habile homme dans votre métier, c'est à vous de l'y résoudre, et de lui faire avaler la chose du mieux que vous pourrez. Allez-vous-en lui faire faire un petit tour de jardin [...] tandis que j'entretiendrai ici son père.

Question

1. Quels sentiments Géronte éprouve-t-il pour Sganarelle au tout début de l'extrait ? Pourquoi ? Ce sentiment est-il justifié

Question

2. En quoi la réaction qu'a Sganarelle au moment où Lucinde se met à parler est-elle comique ?

Question

3. Montrez que Lucinde semble être particulièrement bien « guérie » de sa « maladie ». Pour cela, commentez la longueur et la ponctuation des répliques de Géronte.

Question

Résumez ce que Lucinde dit à son père dans chacune de ses répliques.

En quoi cela est-il comique ?

Question

Que demande Géronte à Sganarelle ? Pourquoi cela est-il comique ?

À quelle remarque sur les femmes, faite par Sganarelle dans l'extrait 2, cela fait-il écho ?

Question

La fin d'une comédie doit être heureuse. En quoi la fin de cet extrait annonce-t-elle un dénouement heureux ?

Définition :

Comédie : pièce de théâtre utilisant le registre comique et dont la fin est heureuse.

Définition : A retenir

Pour qu'il y ait une histoire, une dynamique, il faut qu'il y ait des oppositions entre les personnages ; l'opposition entre les sexes (et les critiques que chaque sexe peut formuler envers l'autre) est une source traditionnelle de comique, cette opposition se fonde sur les stéréotypes féminins et masculins.