Acte II scène 4, Le Médecin malgré lui de Molière
L'extrait dans le manuel est beaucoup plus long il est accompagné de notes qui facilitent la compréhension. (page 283 et suivantes) l'extrait proposé ici correspond aux lignes 11 à 112 du manuel pages 283 à 285.
« Martine trouve le moyen de se venger de Sganarelle. Géronte, un bourgeois des environs, cherche un médecin capable de soigner sa fille Lucinde, devenue muette – c'est du moins ce qu'elle fait croire, pour éviter le mariage que veut lui imposer son père –. Martine affirme alors que son mari est un très grand médecin. Sganarelle, pris au piège, se retrouve à devoir examiner Lucinde sous l'œil attentif et plein d'espoir de Géronte et de ses serviteurs, Valère, Lucas et Jacqueline. »
Sganarelle. – [...] Eh bien ! de quoi est-il question ? qu'avez-vous ? quel est le mal que vous sentez ?
Lucinde répond par signes, en portant sa main à sa bouche, à sa tête, et sous son menton. – Han, hi, hon, han.
Sganarelle. – Eh ! que dites-vous ?
Lucinde continue les mêmes gestes. – Han, hi, hon, han, han, hi, hon.
Sganarelle. – Quoi ?
Lucinde. – Han, hi, hon.
Sganarelle, la contrefaisant (l'imitant). – Han, hi, hon, han, ha : je ne vous entends point. Quel diable de langage est-ce là ?
Géronte. – Monsieur, c'est là sa maladie : elle est devenue muette, sans que jusques ici on en ait pu savoir la cause, et c'est un accident qui a fait reculer son mariage.
Sganarelle. – Et pourquoi ?
Géronte. – Celui qu'elle doit épouser veut attendre sa guérison pour conclure les choses.
Sganarelle. – Et qui est ce sot-là, qui ne veut pas que sa femme soit muette ? Plût à Dieu que la mienne eût cette maladie ! Je me garderais bien de la vouloir guérir.
Géronte. – Enfin, Monsieur, nous vous prions d'employer tous vos soins pour la soulager de son mal. [...]
Sganarelle, se tournant vers la malade. – Donnez-moi votre bras. Voilà un pouls qui marque que votre fille est muette.
Géronte. – Eh oui, Monsieur, c'est là son mal ; vous l'avez trouvé tout du premier coup.
Sganarelle. – Ah, ah !
Jacqueline. – Voyez comme il a deviné sa maladie !
Sganarelle. – Nous autres grands médecins, nous connaissons d'abord les choses. Un ignorant aurait été embarrassé, et vous eût été dire : « C'est ceci, c'est cela » ; mais moi, je touche au but du premier coup, et je vous apprends que votre fille est muette.
Géronte. – Oui ; mais je voudrais bien que vous me pussiez dire d'où cela vient.
Sganarelle. – Il n'est rien plus aisé. Cela vient de ce qu'elle a perdu la parole.
Géronte. – Fort bien ; mais la cause, s'il vous plaît, qui fait qu'elle a perdu la parole ?
Sganarelle. – Tous nos meilleurs auteurs vous diront que c'est l'empêchement de l'action de sa langue.
Géronte. – Mais encore, vos sentiments sur cet empêchement de l'action de sa langue ?
« Sganarelle se lance dans un long discours, et accumule mots savants et mots latins. Mais les phrases qu'il prononce n'ont absolument aucun sens. En voici la fin. »
Sganarelle. – [...] Et parce que lesdites vapeurs ont une certaine malignité [...] qui est causée par l'âcreté des humeurs engendrées dans la concavité du diaphragme, il arrive que ces vapeurs... Ossabandus, nequeys, nequer, potarinum, quipsa milus. Voilà justement ce qui fait que votre fille est muette.
Jacqueline. – Ah ! que ça est bian dit, notte homme !
Lucas. – Que n'ai-je la langue aussi bian pendue !
Géronte. – On ne peut pas mieux raisonner, sans doute. Il n'y a qu'une seule chose qui m'a choqué : c'est l'endroit du foie et du cœur. Il me semble que vous les placez autrement qu'ils ne sont ; que le cœur est du côté gauche, et le foie du côté droit.
Sganarelle. – Oui, cela était autrefois ainsi ; mais nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la médecine d'une méthode toute nouvelle.
Géronte. – C'est ce que je ne savais pas, et je vous demande pardon de mon ignorance.
Molière, Le Médecin malgré lui, 1666, acte II, scène 4.
Question⚓
1. Pourquoi la situation dans laquelle se trouve Sganarelle est-elle comique ?
I/ Du ridicule au comique
Question⚓
2. Sganarelle prend le pouls (écoute les pulsations du sang) de Lucinde. En quoi le diagnostic (la conclusion) de cet examen est-il comique ? Justifiez votre réponse en citant une remarque de Géronte.
Question⚓
3. En quoi les réactions de Géronte et Jacqueline accentuent-elles le comique de la situation ?
Question⚓
4. Pourquoi Lucinde fait-elle rire dans cet extrait ? Commentez ses paroles, mais aussi ses gestes.
Question⚓
5. Pourquoi Sganarelle traite-t-il le futur mari de Lucinde de « sot » (imbécile) ?
À quelle situation précise pense-t-il sans doute quand il prononce les phrases suivantes ?
II /La critique des médecins
Question⚓
6. Pourquoi Sganarelle se met-il à employer des mots latins et des mots français compliqués ? Imaginez les gestes qu'il peut faire en parlant
Question⚓
7. Sa stratégie fonctionne-t-elle ? Quelle est la réaction des autres personnages ?
Question⚓
8. À quel moment est-il tout près de se faire démasquer par Géronte ?
Question⚓
8. Comment se sort-il de cette situation ? Qu'est-ce que cela révèle de son caractère ?
Question⚓
9. En quoi les personnages de Géronte, Lucinde et Lucas sont-ils ridicules ? Donnez des exemples.
Question⚓
10. Quelle image Molière donne-t-il des médecins ?
A retenir⚓
A retenir
Dans cette scène, on reconnaît plusieurs types de comique :
Le comique de mots : le langage inventé de Lucinde, qui ne peut soi-disant plus parler, le langage campagnard des serviteurs, le faux latin de Sganarelle.
Le comique de gestes : Lucinde qui accompagne so langage inventé avec des gestes ridicules.
Le comique de répétition : Sganarelle qui répète les gestes ridicules de Lucinde.
La répétition est un procédé comique très fréquent.