Au chapitre XXI de L’Histoire d’un voyage fait en terre du Brésil, Jean de Léry et ses camarades voyageurs se trouvent à bord du bateau qui les ramène en France. Étape incontournable du récit de voyage, la tempête en mer est rapportée par Léry avec des accents poétiques très marqués où s’illustre sa foi chrétienne. Le psaume 107 dont il est question dans l’extrait est un poème religieux qui célèbre dans sa bonté et sa capacité à sauver les êtres humains des plus grands périls.
Extrait de L’Histoire d’un voyage fait en terre du Brésil, chapitre XXI "De notre départ de la Terre du Brésil, appelée Amérique : ensemble des naufrages et premiers dangers auxquels nous avons échappé en mer lors de notre retour."
Pour revenir à notre voyage, la mer, s’étant de nouveau déchaînée, fut si violente pendant six ou sept jours que non seulement j’ai vu plusieurs fois les vagues se jeter par-dessus le tillac de notre navire[1], mais aussi, alors que nous pratiquions ce qui est dit dans le Psaume[2] 107, nous étions tous, à cause de la violence des vagues, désorientés et vacillants comme des ivrognes. Le navire était tellement secoué qu’un marin, aussi habile fût-il, ne pouvait se tenir debout. En effet, comme il est dit le même Psaume, en temps de tempête en mer, on est soudainement élevé très haut sur ces montagnes d’eau terrifiantes, au point de croire que l’on va toucher le ciel, et immédiatement après, on redescend si bas qu’il semble que l’on va pénétrer les gouffres les plus profonds. Être ainsi suspendu au milieu de milliers de tombeaux, n’est-ce pas observer les grandes merveilles de l’Éternel ? Ainsi, puisque les terribles vagues rapprochent souvent le danger plus près des personnes à bord des navires que l’épaisseur du bois dont ils sont construits, je pense que le poète[3], qui a dit que ceux qui vont en mer sont seulement à quatre doigts de la mort, exagère encore.
[1] Pont supérieur du navire.
[2] Poème religieux dans lequel des voyageurs prient Dieu de leur venir en aide lors d’une tempête.
[3] Juvénal, poète romain du 1er siècle après J.C.
Questions d'analyse⚓
Analyse de la représentation de la tempête
Question⚓
1) Combien de temps la tempête dure-t-elle ? Comment l’auteur décrit-il les vagues ?
Analyse de la réaction des voyageurs face à l’épreuve
Question⚓
4) Comment cette expérience périlleuse est-elle vécue par l’équipage ?
Solution⚓
- “nous étions tous, à cause de la violence des vagues, désorientés et vacillants comme des ivrognes” l.4-5 : incapacité à tenir en équilibre à cause de la violence des flots soulignée par la comparaison
-“Le navire était tellement secoué qu’un marin, aussi habile fût-il, ne pouvait se tenir debout.” l. 5-6 : état d’impuissance, bien que les marins soient expérimentés, face à la puissance de la nature.
Question⚓
5)Que signifie l’expression “Être ainsi suspendu au milieu de milliers de tombeaux” l.10-11 ?
Question⚓
6)“Être ainsi suspendu au milieu de milliers de tombeaux, n’est-ce pas observer les grandes merveilles de l’Éternel ?” l.9-10. Que dit cette phrase de la manière dont Jean de Léry envisage cette tempête ?
Solution⚓
-Il s’agit d’une question rhétorique, c’est-à-dire une question qui n’attend pas de réponse mais qui présente comme évident un contenu qui pourrait être délivré par une phrase déclarative. Aussi comprend-il cette tempête la comme manifestation de la puissance de Dieu, comme une preuve de sa toute puissance sur les éléments.
A retenir
Dans cet extrait de L’Histoire d’un voyage fait en terre du Brésil, Jean de Léry raconte une tempête qui frappe son navire lors du retour en France. L’auteur décrit les vagues comme des "montagnes d’eau terrifiantes", soulignant l’ampleur du danger par une hyperbole. Il s’agit d’une figure qui consiste à exagérer une idée ou une réalité dans le but de créer une forte impression. Le champ lexical de la violence et du danger ("déchaînée", "gouffres", "terrifiantes") renforce l’idée d’un péril mortel imminent.
Face à cette épreuve, les voyageurs sont déstabilisés et impuissants, comme en témoigne la comparaison : “désorientés et vacillants comme des ivrognes”. Jean de Léry voit dans cette tempête une manifestation de la puissance divine. En faisant référence au Psaume 107, il présente l’épreuve comme la manifestation de la puissance divine, illustrant ainsi la foi chrétienne qui guide sa lecture des événements.